Le Gardien Du Feu Le Gardien Du Feu

Le Gardien Du Feu

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Beschreibung des Verlags

Il étala devant moi, sur la table du bureau où nous étions assis, une chemise verte contenant divers papiers et portant, en grosses lettres rondes, cette suscription : « Phare de Gorlébella, 1876. »

— Vous connaissez le phare, n’est-ce pas ?

Je l’avais visité l’année précédente, au cours d’une excursion à l’île de Sein, et je n’avais pas à faire grand effort pour revoir, par le souvenir, sa haute silhouette de pierre dressée en plein Raz, dans une solitude éternelle, au milieu d’une mer farouche agitée d’incessants remous et dont les sourires même, les jours de calme, ont quelque chose d’énigmatique et d’inquiétant. L’ingénieur poursuivit :

— Il vous suffira, quant au reste, de savoir ceci. En 1876, tout comme à présent, le personnel de Gorlébella se composait de trois hommes. Mais, de ces trois hommes, il n’y en avait que deux qui fussent de service en même temps. Le règlement porte, en effet, que chaque gardien, après avoir demeuré un mois au phare, a droit à un congé de quinze jours. Tous les seconds samedis, à moins que l’état de la mer n’y mette obstacle, le bateau ravitailleur accoste au récif, débarque les provisions et prend à son bord, pour le ramener à terre, l’exilé dont c’est le tour d’être rapatrié. Au sommet de la Pointe du Raz s’élève ou plutôt se tapit, si vous vous souvenez, une sorte de hameau administratif, formé des bâtiments désaffectés de l’ancien phare. C’est un groupe de maisonnettes basses, raccordées bout à bout et ceintes d’un vaste enclos où dans l’abri des murs, poussent chétivement quelques légumes. A l’entour s’étend le sinistre paysage que vous savez, un dos de promontoire nu et comme rongé de lèpre, troué çà et là par des roches coupantes, de monstrueuses vertèbres de granit. Nulle autre végétation que des brousses à ras de sol, des ajoncs rampants, une herbe éphémère, tout de suite brûlée par les acides marins. Vous n’êtes pas sans avoir remarqué l’air de stupeur muette et résignée qu’ont toutes choses en ces parages, les plantes comme les bêtes, et les habitations aussi bien que les gens. Voilà pourtant l’oasis de bon repos après laquelle aspirent de tous leurs vœux les factionnaires de Gorlébella. Du moins ne s’y sentent-ils plus les emmurés des eaux. Si peu récréatifs que soient ces horizons, encore délassent-ils leurs yeux de la perpétuelle et obsédante agitation des vagues. Et puis, ils ont là leur « chez eux » ; ils y retrouvent la femme, les enfants, la figure chère des êtres et des objets familiers, rentrent enfin dans la vie normale, savourent la joie, irraisonnée mais profonde, d’appartenir de nouveau à la grande communauté humaine… J’ai dit ; maintenant, feuilletez.

La première pièce était un télégramme sur papier jaune adressé par le conducteur des Ponts et Chaussées d’Audierne à l’ingénieur ordinaire chargé du service des phares, en résidence à Quimper. Elle était datée du 2 mai et conçue en ces termes : « Feu de Gorlébella, resté allumé toute la journée d’hier, éteint cette nuit. Rumeurs bizarres circulent. Prière donner instructions, si ne pouvez venir vous-même. »

GENRE
Belletristik und Literatur
ERSCHIENEN
2024
9. Februar
SPRACHE
FR
Französisch
UMFANG
186
Seiten
VERLAG
Library of Alexandria
GRÖSSE
876,6
 kB

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