Contes espagnols d'amour et de mort Contes espagnols d'amour et de mort

Contes espagnols d'amour et de mort

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Les habitants de Benimuslin furent stupéfaits de la nouvelle.

Le père Sento se mariait! lui, un des notables du village, le plus important contribuable du district! Et la fiancée, c’était la belle Marieta, fille d’un charretier, ayant pour toute dot sa frimousse brune, son sourire aux gracieuses fossettes, ses immenses yeux noirs, qui semblaient dormir sous les longues paupières, entre deux torsades de cheveux, drus et brillants, qui lui couvraient les tempes.

Plus d’une semaine, cette nouvelle mit en émoi la tranquille bourgade, qui, dans son vaste horizon de vignes et d’oliviers, dressait ses toits sombres, ses murs d’une blancheur éblouissante, son campanile au bonnet de tuiles vertes et sa haute tour mauresque carrée et rouge dont la couronne de créneaux, rompus ou ébréchés, se détachait sur le bleu du ciel.

Il devait être féru d’amour, le père Sento, pour violer ainsi toutes les coutumes. Avait-on jamais vu un homme si riche, possédant le quart de la contrée avec plus de cent outres de vin dans sa cave, cinq mules à l’écurie, épouser une fille qui, dans son enfance, maraudait dans les jardins ou travaillait chez les bourgeois pour sa nourriture!

Ce n’était qu’un cri. Si Mâame Tomasa, première femme de Sento, sortait de sa tombe; si elle voyait sa grande maison de la rue Mayor, ses champs, sa superbe chambre à coucher, sur le point d’appartenir à cette morveuse, qui autrefois lui demandait du pain, que dirait-elle!

A coup sûr, il était fou! Il suffisait de voir la ferveur amoureuse, le sourire niais, les airs conquérants de ce jouvenceau de cinquante-six ans révolus! Les plus indignées, c’étaient les jeunes filles de familles aisées, qui, dans leur égoïsme de paysannes, n’auraient trouvé nul inconvénient, à offrir leur main brune à ce vieux coq de village, qui serrait son ventre proéminent sous une ceinture de soie, et dont les petits yeux, gris et durs, brillaient à l’ombre de sourcils énormes, contenant, au dire de ses ennemis, plus d’un kilo de poils.

Tous convenaient qu’il avait perdu la raison. Tout ce qu’il possédait avant son premier mariage, tout ce qu’il avait hérité de Mâame Tomasa, tout cela devait passer à cette sainte-nitouche, qui avait su l’affoler à tel point que les dévotes, à la porte de l’église, se demandaient si Marieta n’avait pas fait un pacte avec le Malin, et donné au vieux des poudres diaboliques.

Il fallait entendre les parents de Mâame Tomasa, après la grand’messe où l’on publia les bans pour la première fois. C’était un vol qualifié, oui, monsieur! La défunte avait tout laissé à son mari, parce qu’elle croyait à sa fidélité; et maintenant, le grand filou, en dépit de son âge, cherchait un jeune tendron, et lui faisait cadeau du bien de l’autre! La justice était bannie de ce monde, si on tolérait cela! Mais allez donc protester, à notre époque! Monsieur le curé, don Vicente, avait raison de dire que c’était la fin de tout. Ah! si don Carlos était roi d’Espagne, les choses iraient bien mieux!

GENRE
Romantische fictie
UITGEGEVEN
2020
8 maart
TAAL
FR
Frans
LENGTE
195
Pagina's
UITGEVER
Library of Alexandria
GROOTTE
623,6
kB

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