Coloc à Grey Mountain

Elle est née en talons aiguilles. Il a toujours porté des santiags. Pourtant, ils vont devoir vivre sous le même toit...



Désirée a tout pour être heureuse : une famille qui l’aime, une meilleure amie incroyable et un appartement à New York. Pourtant, quelque chose lui manque. Probablement parce que, adoptée à l’âge de 3 jours, elle ne sait rien de ses origines. Aussi, quand elle apprend qu’elle hérite, dans le Colorado, de la moitié d’un ranch légué par Kelly Grey, sa mère biologique dont elle ignore tout, elle est folle de joie. Ce qu’elle n’a pas prévu, c’est qu’elle va devoir composer avec Lewis, le ténébreux cow-boy à qui Kelly a eu la bonne idée de léguer l’autre moitié du ranch ! Or, Lewis a beau être à tomber, il n’est pas le plus docile des étalons de Grey Mountain... Pourtant, face au voisin avide d’agrandir son territoire, il va bien falloir réunir ses forces pour défendre le domaine... Entre le cow-boy et la New-Yorkaise, ça risque de faire des étincelles !


***


Je ferme les yeux, terrassé par la situation. 

Réagis, bordel !

Je rouvre les paupières, mais mon champ de vision se concentre toujours sur ses deux lèvres roses, tentantes, gonflées, qui ne semblent qu’attendre les miennes. J’ai envie d’y goûter, de plonger dans sa bouche, de taquiner sa langue, de prendre possession d’elle tout entière. J’ai envie, putain, tellement envie.

Ma tête se penche, mon visage se rapproche, et ce que je lis dans ses yeux, c’est un cri qui m’appelle de tous ses vœux.

M***e, elle ne m’aide pas, là ! Pire, elle m’encourage de son regard, de ses yeux ambrés, de son expression affamée. Pour moi ? Oh, oui, je veux !

Alors, dans un geste que je ne me souviens même pas d’avoir amorcé, mes lèvres effleurent les siennes. Une douce seconde de sursis, légère comme une plume dans un courant d’air. Et l’instant d’après, l’apocalypse : ma bouche se pose sur la sienne. C’est comme une décharge électrique, qui m’attise et me foudroie sur place. Des lèvres douces comme de la soie, une sensation de plénitude absolue qui se répercute dans chaque cellule de mon corps.

Un contact brûlant qui avive un feu que je sens à l’intérieur de moi depuis des semaines. Elle a le goût des pêches au sirop mangées en dessert, et sur mes papilles se répand le parfum enivrant du sucre. Ma langue l’envahit, se délectant de sa perfection.

Et là, je me souviens. Un flash. Un simple flash qui me rappelle que je ne suis rien. Que j’ai trop de casseroles aux fesses. Que je ne peux rien lui apporter.

Un repris de justice. Un ex-taulard. Une m***e de la société.

Trop belle, trop gentille, trop parfaite. Trop bien pour moi. 

Je recule d’un bond et, à la vitesse de la lumière, je m’enfuis comme un lâche.

– Désolé, je ne peux pas. Je… ne suis pas celui qu’il te faut.

Pathétique tentative de me dédouaner. C’est nul, je sais. 

Donnez-moi tous les travaux du monde, même les plus difficiles. Faites-moi trimer, expier, suer. Mais la corrompre, elle, c’est hors de question.

Ce soir-là, alors que je me retourne dans mon lit, encore et encore, je n’ai qu’une envie. La rejoindre, m’allonger à côté d’elle et lui faire l’amour. Rien de moins. Mais je me contente de fixer le plafond en essayant d’oublier qu’entre elle et moi, il n’y a qu’une cloison.

Je ne vaux plus grand-chose. Mais ça, c’est le minimum que je puisse faire : la préserver de ma noirceur.



Coloc à Grey Mountain de Clara Nové, histoire intégrale