La main dans la main

Encore un roman sur la Côte d’Azur ! dira-t-on. Assurément, mais celui-ci échappe au caractère factice de la plupart des autres. Ce n’est pas la vie brillance et artificielle des palaces, des casinos non plus que les descriptions plus ou moins colorées et poétiques des paysages rocheux, mais plutôt l’envers du décor qui nous est ici livré. Robert et Jeanne ont connu autrefois la fortune. Leur situation, aujourd’hui très diminuée, leur permet cependant encore de vivre sans soucis immédiats et à leur guise. Contents de leur sort, ils se sont fixés à Algues-les-Bains, ville que les fervents de la Côte n’auront pas de peine à reconnaître. Ils vivent, ainsi que le définit Jeanne, non parmi ceux dont l’historien retiendra les noms, mais parmi ceux sans lesquels l’historien n’aurait rien à écrire. D’un naturel bienveillant, aussi ennemis de l’intrigue que de la médisance, ils se détournent naturellement des personnages peu sympathiques. Les tenanciers de bars, les clients de ces bars, bouchers, boulangers, quincailliers, ainsi que ceux qui ont la chance de devenir millionnaires pour un jour, sont les gens qu’ils rencontrent et fréquentent. L’intérêt du livre ne se porte pas seulement sur les heures que leurs amis doivent mettre à la disposition des autres dans leur vie professionnelle, mais aussi sur celles où, libérés du joug de leur service, ils vivent leur propre vie et obéissent à leurs aspirations. Grâce au talent de la romancière, chacun de ces personnages constitue un type, parfois même un prototype. Leur ensemble forme un milieu, sympathique et vivant, celui qu’ignorent les touristes, estivants ou hivernants, qui, de toutes ces petites gens ne voient en quelque sorte que la vie publique, comme ils ne peuvent imaginer les domestiques de leurs hôtels que revêtus de leur livrée. Tout à leur curiosité, Robert et Jeanne sont satisfaits de la vie qu’ils mènent et des gens qu’ils côtoient. Pour eux, cet intérêt constamment éveillé représente quelque chose de plus que simplement le présent.