Sac à toxines
Descripción editorial
La garrigue ça sent bon. L’été on oubli tout.
On va de ci de la, on marche sans penser à rien d’autre. Parfois on se prend les pieds dans une racine, un caillou et puis on continue comme ça, on escalade des blocs de granits, on passe entre eux, on saute et puis on repart dans la marche à respirer le vent, l’air chaud, les odeurs.
De temps en temps, on s’arrête, on regarde au loin, en bas, dans la brume de chaleur, la bas, tout en bas. C’est la marche qui vous tient.
Elle s’en souvenait par éclair de ces temps lointains, un éboulis d’images-sons la traversait puis tout s’effondrait par à coup.
Le temps lui revenait où elle était toute petite.
Le temps où elle le mangeait des yeux déversant un amour sans retenu énorme , confiant, total.
Toutes les pluies d’amour, toutes les pluies torrentielles des ciels d’Afrique disparaissaient dans le sable d’or des yeux de son père.
On marche, on marche, jouez TZIGANES, dansez KIRKHIZES, les steppes résonnent de galops, voguez MARINS à la découverte, craquez bateaux sous les hautes vagues.
Quel anniversaire, quelle fête ! Il lui avait offert un cadeau surprise. Il lui avait offert une magnifique trottinette, belle comme celle des grandes.
Elle ne pouvait pas la tenir, ni monter dessus, ni s’en servir. Elle n’avait rien dit, les bras rompus. Vous savez les yeux ballottés dans les larmes retenues, au bord de se noyer au dedans, emportée dans des vagues sans fin.
Voguez marins , le bateau craque.
Elle n’avait rien dit. Elle s’était entraînée, en secret, toute seule, en cachette, au fond de la cour.
Elle le retrouverait son père. Elle le rattraperait.
Il l’aimerait encore. Puis à force en grandissant, elle devint extra à trottinette, trop tard.
Elle n’était pas recalée mais comme décalée, restant à part. Viens voire PAPA...
Il lui avait quand même offert un vélo comme pour les grandes. Quand on veut trop bien faire, vous savez ce que c’est avec les enfants, on est tenté. Rien n’est trop beau quand on les voit peu ou pas du tout.
C’est pas qu’elle n’est jamais contente, mais elle ne pouvait pas tenir dessus, ni s’en servir . Non elle n’avait pas pleuré. Et puis un jour , elle se souvenait dans les scintillements du soleil sur les rochers, dans les éblouissements au travers de la brume, elle lui avait rapporté de la promenade des marguerites sauvages.
Il lui avait demandé pourquoi d’un air étonné, absent. Elle lui avait dit “ c’est parce qu’elles sont simples ” en riant, en l’attrapant par le bras, en courant autour de lui. Il était ailleurs, perdu, seul. Elle lui avait dit que c’était pour mettre dans un vase, sur son bureau, pour embellir, peut être avec d’autres fleurs.
Elle avait couru comme une hermine autour de lui. Elle lui avait dit, c’est pour que tu sache que je pense à toi, pour savoir si tu m’aime.
Il était là à la regarder, comme si elle était rien, absente, nulle part, étrange.
C’est comme ça qu’on ne sait plus pourquoi on vit. On ne sait plus pourquoi un papa, des marguerites, un pot de fleur, des promenades, ni si on sert à quelque chose.