Loin des Mondanites Esthetiques: Quelques Reflexions Sur L'opposition Entre Le Mythique Et Le Ludique a Partir Du Process-Verbal Et de Ritournelle de la Faim de J-M. G. Le Clezio (Report‪)‬

Le prix Nobel attribue a Jean-Marie Gustave Le Clezio en octobre 2008 a provoque une petite querelle qui a anime les colonnes litteraires du Monde pendant quelques semaines : articles virulents, courrier de lecteurs excedes, intervention d'un mediateur pour clarifier et temperer le debat. Reprenons brievement l'argumentaire savoureux de cette polemique et gageons qu'il sera riche d'enseignements propres a soulever les problematiques. Dans une missive adressee au Monde, Frederic-Yves Jeannet, professeur de francais et ecrivain, conteste, en des termes peu amenes, l'attribution du Nobel de litterature a un ecrivain qui ne le meriterait pas. Quels sont ses griefs ? Le Clezio serait un vulgaire auteur de best-sellers, c'est-a-dire un auteur produisant une litterature de complaisance, reduite a un produit de consommation faconne par les bons sentiments. C'est pourquoi il oppose fermement la figure de Le Clezio a celle de Claude Simon, le precedent Nobel francais (1985). Ces deux Nobel incarneraient deux categories d'auteurs : les grands ecrivains et les autres, parmi lesquels les fabricants de best-sellers, les ecrivassiers de romances fades, les ecrivains de gare, les conteurs de seconde zone, les bricoleurs des genres populaires, les romanichels de la litterature, et cetera. Ces deux categories produiraient deux types d'ecritures : l'une serait exigeante et mue par une volonte de recherche esthetique et l'autre, populaire, tournee vers le profit et la gloire facile au service de l'industrie du livre. L'une toucherait a l'universalite, l'originalite, la rupture novatrice ; l'autre, a la vanite, la banalite, l'academisme. Ainsi Jeannet oppose-t-il Simon, Gracq, Sarraute, Des Forets, Blanchot, Duras, Butor, Pinget, Cixous, Michon, Ernaux, Bergounioux, Faulkner, Proust et quelques autres, a J-M. G. Le Clezio, Amelie Nothomb, Alexandre Jardin et bien d'autres. Une autre opposition vient compliquer cette conception binaire de la litterature plutot caricaturale et assez conventionnelle. Jeannet distingue chez Le Clezio, l'ecrivain anterieur aux annees 80 qui aurait commence par produire une oeuvre de rupture et l'ecrivain posterieur, prolixe et bavard. Par consequent, Le Clezio appartiendrait a une litterature retrograde dont l'ecriture, banale, attendue, sans interet litteraire ou stylistique, ne repondrait pas aux exigences d'un lectorat d'elite dont les criteres seraient le renouvellement esthetique, la recherche du style et la performance metaphorique.