La Peau du tigre

LE train rapide de Paris, sifflant, soufflant et comme haletant de sa course vertigineuse, entrait en gare de Marseille, et aussitôt les employés sautaient lestement sur les marchepieds, ouvraient les portières toutes grandes et débitaient d’une voix chantante leur refrain habituel :

« Marseille, vingt minutes d’arrêt ! Les voyageurs pour Toulon, Cannes, Nice et la frontière d’Italie ne changent pas de voiture. »

En quelques instants le train déversait son chargement sur le quai : les voyageurs arrivés à destination descendaient lentement, prêtant la main aux dames pour accomplir cette désagréable gymnastique, enlevant les enfants à bras tendus afin de les déposer à terre, et tirant du wagon les sacs, les cartons à chapeau, les couvertures, les parapluies et les cent paraphernalia du père de famille en voyage, tandis que ceux qui devaient reprendre le train bondissaient comme éperdus hors des compartiments et se précipitaient en désordre vers le buffet, pour profiter des fameuses vingt minutes d’arrêt, que l’horloge de la gare avale à doubles bouchées.

Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.