Le Crabe et l'Agneau
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- 1,99 €
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Description de l’éditeur
Le sous-titre de ce livre aurait pu être « Comment zigouiller un cancer en 20 semaines ». Voici trois extraits.
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« Le chirurgien lâcha ce qu’il pensait devoir faire l’effet d’une bombe :
— Il faudra retirer presque la moitié de la langue mobile.
Mon absence de réaction dut le surprendre. Non seulement son homologue suisse m’avait déjà mis au courant, mais après les deux tiers annoncés à Zurich, j’avais très clairement l’impression de faire une bonne affaire.
Peut-être aurais-je dû retourner en Suisse pour marchander davantage :
— Votre collègue français me propose cinquante pour cent. Pouvez-vous faire mieux ? »
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« Je n’étais pas encore vraiment en mesure de mastiquer : ma langue allait devoir refaire un peu d’exercice avant d’accepter à nouveau des côtelettes d’agneau, du chocolat en tablette, ou même une baguette de pain. On ne me laissait explorer qu’une infime partie de l’infini des possibles culinaires ? J’allais en profiter avec toute la démesure qui m’était malgré tout autorisée. J’allais m’offrir une orgie de yaourts.
Passées les portes du supermarché, tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une mousse, une crème, une compote ou un jus, atterrit dans mon panier. S’il avait existé un palais de la crème dessert, je l’auras acheté tout entier d’un magistral coup de carte bancaire.
De retour à l’hôpital, je me glissai dans ma chambre, en passant discrètement devant les infirmières, sans commenter la façon dont un peu de lecture dans le jardin avait bien pu charger mes deux bras de sacs à provisions pleins à craquer de visqueuses victuailles. »
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« Mon corps était si peu enclin à autoriser le passage du moindre petit morceau d’aliment que lorsque par miracle il tolérait l’ingestion d’une bouchée, il fallait à tout prix qu’elle soit bourrée à craquer de calories, gavée de graisses, chargée de sucres et de protéines, afin de ne surtout pas maigrir. Une devise dont l’ironie était exacerbée lorsque, marchant dans la rue, j’apercevais les affiches proposant à la gent féminine de « perdre 5 kilos en 2 semaines » ou de « maigrir sans souffrir ».
Je me pris à imaginer un monde meilleur, un monde pourvu d’un marché global des kilos en trop, où les riches Occidentales seraient ravies de payer pour se délester du demi-kilo de graisse qui empêcherait un nouveau-né burkinabé de mourir de faim. Payer très cher pour perdre des kilos de cette façon : voilà que seraient résolus tous à la fois les problèmes de la pauvreté, de la sous-nutrition et de l’obésité. »