Le Libre échange et l'Impôt

« De toutes les définitions dont l’exactitude est ainsi recherchée, il en est une dont l’intérêt prime évidemment toutes les autres, c’est celle qui porte sur l’objet même de l’économie politique. Aussi est-ce la matière d’un traité entier, le dernier auquel l’auteur ait mis la main. On trouvera peut-être surprenant qu’un siècle après Turgot et Adam Smith, un traité ait paru encore nécessaire sur un point si élémentaire. Je doute pourtant que les lecteurs attentifs trouvent rien d’excessif ni de superflu dans les développements qui devront passer sous leurs yeux. Non seulement, en effet, dans tout ouvrage dogmatique, il est naturel de débuter par expliquer avec soin ce qu’on se propose de chercher et ce qu’on a l’espérance de découvrir, mais, dans le cas particulier de l’économie politique, la question souvent controversée de l’objet et des limites de la science prend une importance capitale. A ne rien méconnaître, à ne rien confondre, et surtout à ne rien exagérer en cette matière, il y va de l’autorité légitime, j’ai presque dit de l’honneur de la science elle-même. N’entendons-nous pas chaque jour reprocher à l’économie politique d’être une science égoïste — quelques-uns vont même jusqu’à dire immorale — uniquement occupée de la recherche du bien-être, et inspirant par là le dégoût des sentiments élevés, l’oubli du patriotisme, le mépris même des scrupules de la conscience ? L’accusation ne serait, je ne dis pas fondée, mais spécieuse, que si on reconnaissait à l’économie politique une compétence si étendue qu’elle eût le droit de dicter soit aux gouvernements, soit aux individus des règles de conduite souveraines, dont l’autorité ne dût s’incliner devant aucune autre. Et l’on ne peut nier que le ton impérieux, les préoccupations exclusives de quelques disciples passionnés de certaines écoles n’aient parfois porté l’empreinte d’une telle présomption. Mais il serait injuste de la prêter à la science elle-même, comme il serait dangereux de lui en laisser prendre l’habitude. »

Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.