Contes pour les satyres
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Publisher Description
«Faucher, Madame, labourer, moissonner, le Temps s'acquitte au mieux de tous travaux agricoles. Aussi, dis-je, le soc du Temps avait-il sur le front d'Alcindor creusé le sillon du cinquantième automne, quand le vieil Aramante lui prescrivit d'avoir lignée et de ne vouloir demeurer l'ultime rejeton d'un arbre dont les racines se perdaient aux plus secrètes profondeurs de notre sous-sol historique. Aveuglément soumis aux volontés d'un père, et d'aventure, quelques défaillances lui montrant l'heure venue de faire la retraite, notre célibataire ne résista point à abjurer sa misogamie et sollicita la main de Bérélise, fille unique du baron d'Estrignac de qui les terres jouxtaient le fief de la Mauvandière. Mon Dieu! Madame, je confesse que je vous devrais ici un portrait de mon héroïne et de bon cœur souhaiterais-je quelqu'un de nos peintres à la mode me prêter sa palette pour y succéder comme il duit. Ce néanmoins dans l'indigence où je gémis des couleurs qu'il faudrait, peut-être m'en daignerez-vous dispenser? et quand j'aurai proclamé qu'on admirait sur le visage de cette belle un peu de ce qui resplendit sur le vôtre, je n'appréhenderai plus rencontrer aucun hurluberlu de qui le jugement sommeille en si profonde léthargie, que de nier à cette aimable personne l'absolu pouvoir de ranger sous ses lois quiconque se pouvait flatter d'avoir respiré le jour sous un autre climat que celui d'Hyrcanie. Alcindor, à peine un si charmant objet eût ravi ses regards, tout d'abord sa passion s'exalta jusqu'à un point où les plus violentes n'ont accoutumé d'atteindre qu'après beaucoup de temps et il comprit que, dès lors, il lui fallait de deux beaux yeux attendre son malheur ou sa félicité. Mais, à ce coup, l'événement fit bien voir qu'en amour comme à la guerre, s'il est des invaincus, il n'est point d'invincibles: peu touchée d'un adorateur qui déjà tournait vers son Occident Bérélise reçut avec un extrême déplaisir l'ouverture d'un hymen que l'âge rendait si disproportionné et toute la poliorcétique amoureuse de notre débellateur n'eût suffi, je pense, à mener à capitulation l'inexpugnable cœur de cette ingénue si M. d'Estrignac (une alliance avec les la Mauvandière titillait ce gentilhomme au sensible de ses vanités ambitieuses), ne s'était avisé d'un stratagème qui, pour n'être emprunté de Polyen, de Frontin ou de Carlet de la Rosière, se révéla pourtant d'une merveilleuse efficace. Toute nue, à la réserve de ses bas et de ses bottines qu'on lui laissa pour ménager sa pudeur, la gente rebelle se sentit, soir et matin, par deux robustes mastigophores, copieusement fouettée sous l'œil paternel et, après quinze jours d'un traitement si barbare, on lui déclara que si elle ne consentait tout à l'heure elle serait tant fessée, fustigée, malmenée, laidangiée, torturée, qu'il lui faudrait mourir. Préférant encore un vieil époux à des lanières neuves, Mlle d'Estrignac se rendit à de si pressantes sollicitations et, comme elle n'avait tout à l'heure plus de cuir sur les fesses, murmura un «oui» qui, tout contraint, rouvrit cependant à l'épris Alcindor les portes même de l'Eden…»