Marie Tudor
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Il y a deux manières de passionner la foule au
théâtre : par le grand et par le vrai. Le grand prend
les masses, le vrai saisit l' individu.
Le but du poète dramatique, quel que soit d' ailleurs
l' ensemble de ses idées sur l' art, doit donc toujours
être, avant tout, de chercher le grand, comme
Corneille, ou le vrai, comme Molière ; ou, mieux
encore, et c' est ici le plus haut sommet où puisse
monter le génie, d' atteindre tout à la fois le grand
et le vrai, le grand dans le vrai, le vrai dans le
grand, comme Shakspeare.
Car, remarquons-le en passant, il a été donné à
Shakspeare, et c' est ce qui fait la souveraineté de
son génie, de concilier, d' unir, d' amalgamer sans
cesse dans son oeuvre ces deux qualités, la vérité et
la grandeur, qualités presque opposées, ou tout au
moins tellement distinctes, que le défaut de chacune
d' elles constitue le contraire de l' autre. L' écueil
du vrai, c' est le petit, l' écueil du grand, c' est le
faux. Dans tous les ouvrages de Shakspeare, il y a du
grand qui est vrai, et du vrai qui est grand. Au
centre de toutes ses créations, on retrouve le point
d' intersection de la grandeur.