Contes Cruels
Descrizione dell’editore
Pascal nous dit qu'au point de vue des faits, le Bien et le Mal sont une question de "latitude".
En effet, tel acte humain s'appelle crime, ici, bonne action, là-bas, et réciproquement. - Ainsi,
en Europe, l'on chérit, généralement, ses vieux parents; - en certaines tribus de l'Amérique,
on leur persuade de monter sur un arbre; puis on secoue cet arbre. S'ils tombent, le devoir
sacré de tout bon fils est, comme autrefois chez les Messéniens, de les assommer sur-lechamp
à grands coups de tomahawk, pour leur épargner les soucis de la décrépitude. S'ils
trouvent la force de se cramponner à quelque branche, c'est qu'alors ils sont encore bons à
la chasse ou à la pêche, et alors on sursoit à leur immolation. Autre exemple: chez les
peuples du Nord, on aime à boire le vin, flot rayonnant où dort le cher soleil. Notre religion
nationale nous avertit même que "le bon vin réjouit le coeur". Chez le mahométan voisin, au
sud, le fait est regardé comme un grave délit. - A Sparte, le vol était pratiqué et honoré: c'était
une institution hiératique, un complément indispensable à l'éducation de tout Lacédémonien
sérieux. De là, sans doute, les grecs. - En Laponie, le père de famille tient à honneur que sa
fille soit l'objet de toutes les gracieusetés dont peut disposer le voyageur admis à son foyer.
En Bessarabie aussi. - Au nord de la Perse, et chez les peuplades du Caboul, qui vivent
dans de très anciens tombeaux, si, ayant reçu, dans quelque sépulcre confortable, un accueil
hospitalier et cordial, vous n'êtes pas, au bout de vingt-quatre heures, du dernier mieux avec
toute la progéniture de votre hôte, guèbre, parsi ou wahabite, il y a lieu d'espérer qu'on vous
arrachera tout bonnement la tête, - supplice en vogue dans ces climats.