Ma mère oui, pas ma maman

Après la célèbre Folcoche, racontée par son fils Herve Bazin dans « Vipère aux poing », c’est encore une enfance détruite par une mère indigne, que ce livre nous raconte. Angèle, son auteur amateur, n’a évidemment pas le style de Bazin. Vous n’y trouverez ni effet de plume, ni fioriture, mais seulement le témoignage pur et dur d’une tranche de vie : cette époque, peut-être la plus importante, qui voit au fil des années et sous le contrôle bienveillant de l’entourage, se former une personnalité autonome. Bienveillant, le mot est lâché ! Car Angèle, la narratrice, aurait, à défaut d’amour, oh combien ! aimé trouver quelques traces de bienveillance dans le regard de sa mère. L’amour, l’amour maternel, c’est l’arlésienne que vous pourrez chercher au fil des pages, sans jamais le trouver. L’affection alors ? Pas la moindre trace non plus et ce sera la question qui taraudera les neurones de cette pauvre Angèle tout au long de sa vie. Pourquoi n’a-t-elle jamais reçu un atome de cet amour maternel pourtant si légitime d’espérer de sa mère ? Du Dickens pensera-t-on. Certainement, mais notre histoire ne se passe pas dix-neuvième siècle, elle s’est déroulée il y’a à peine 40 ans. Ce n’était déjà plus l’époque du « qui aime bien châtie bien », où l’on pensait ne devoir éduquer qu’à coups de bâton.

Angèle aurait pu relever de l’Aide à l’Enfance, mais il n’en a rien été. Aucune aide, aucun « tuteur de développement », aucun geste d’amour d’aucune sorte. C’est une enfance froide, sans espoir qui nous est raconté. Or on connaît avec Boris Cyrulnik, les dégâts qu’une telle éducation ou absence d’éducation sur tous ces « fracassés de l’âme », engendre. De telle sorte qu’au fil des lignes on se surprend à en appréhender la fin. On a du mal à espérer pour Angèle, la moindre résilience, n’imaginant pas d’où elle pourrait venir. A moins qu’elle ne vienne un jour d’elle-même ? Mais comment ?

Dr. Michel Manetti